Foto: Frédéric Stucin (Libération)
"Bien sûr, je préférerais passer l’été que le Léthé», tweetait Edgar Morin, début mai, faisant référence à l’un des cinq fleuves des enfers dans la mythologie grecque, «le fleuve de l’Oubli», première étape du passage de la vie au trépas. La mort, alors que le philosophe aura 100 ans le 8 juillet et que de nombreux hommages lui seront rendus, il y pense bien sûr et il ne s’en cache pas. C’est ainsi : elle guette. Ce n’est pas une raison pour arrêter de penser et surtout de partager ses réflexions. Leçons d’un siècle de vie, qui sort cette semaine, est peut-être son dernier ouvrage (ou peut-être pas). Il aurait pu en faire un essai autocentré sur lui-même, à sa propre gloire. Il aurait pu aussi donner des conseils de manière sentencieuse, du haut de son grand âge, à tous ces petits jeunes qui ne comprennent rien. Après tout, il était déjà boomer quand les boomers n’étaient pas encore de ce monde, né à une époque où on ne donnait pas des noms aux générations mais où l’odeur de poudre des canons de la Première Guerre mondiale était dans toutes les têtes. Au contraire, fidèle à lui-même et à son éthique de la complexité, Edgar Morin retrace sa vie pour en souligner les erreurs, la difficulté de comprendre le présent et la nécessité de faire son autocritique pour réussir à vivre ensemble. Si les spécialistes de l’œuvre de l’homme n’apprendront probablement pas grand-chose, l’essai est une bonne remise en perspective de son approche transdisciplinaire et humaniste, de ses principales obsessions et «leçons», qu’il tire de lui-même et qu’il ne dispense pas comme un vieux maître d’école aigri. Le grand-père de tous les Français a un rêve secret : qu’une fois qu’il ne sera plus là, on arrive toujours (ou de nouveau ?) à s’aimer, les autres et soi-même, plutôt que de continuer piteusement sur la pente de la régression occidentale cernée par les néo-totalitarismes en gestation, notamment en Chine." (Quentin Girard." (Libération. 02 Jun. 2021)
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